Liu Guosong
04.03.2008 – 26.03.2008
Extrait de Le plongeon vertigineux dans les apparences, Gérard Xuriguera, 75 Faubourg, Paris, 2008
« Si l’on examine les étapes primordiales de la production de Liu Guosong, on remarque d’une part son ambivalence, autrement formulé, son glissement vers une abstraction de caractère paysagée, ou « paysage abstrait », et d’autre part, un rapport direct ou allusif à l’ordre naturel, dans le sillage des peintres calligraphes en quête de l’essence des choses et de Lao Tseu qui déclare dans le Tao Te Ching: « L’homme suit la voie de la terre, la terre suit la voie du ciel, le ciel suit la voie de la nature ». Ici cependant, le paysage ne se borne pas à l’interprétation d’un site particulier. Davantage qu’un prétexte, il est le lieu d’une représentation symbolique, dont l’homme n’est qu’une parcelle rarement visible, si ce n’est occasionnellement en amont d’une œuvre, enclos dans une sorte de vignette.
Dans le champ de la phase abstraite, une marée de ponctuations fusantes, d’artères ramifiées, de stratifications mouchetées, de frottis en grisaille ou en fulgurances, de sédimentations échancrées, de brèves contractions, de masses fluides, étouffées ou transparentes, de frondaisons nervurées ou encore de climats cosmogoniques […] nouent une dialectique effervescente régie par une gestualité surveillée, comme une intériorisation du référent, de temps à autre commandée par les sommations dépouillées du signe calligraphié.
Par ailleurs, sous l’intitulé global de « Tibet », Liu Guosong déroule une série d’évocations végétales et minérales qui traduisent sa connivence avec son environnement. Épris des montagnes aux cimes enneigées, des ciels orageux, des horizons semi-monochromes essaimés de lunes pleines et en croissant, des maquis d’herbes frémissantes et des vents insoumis, des brumes d’été ou de la rosée du matin, des étendues rurales et des soleils disparus […] il nous délivre simultanément sa vision des alternances saisonnières, et c’est sûrement ce qu’il y a de plus intime dans son travail, ce qui frôle ses compositions tantôt tranquilles, tantôt tourmentées. Des compositions à la fois mouvantes et structurées, qui n’en finissent pas d’entremêler le matériel et l’immatériel, l’infini et la proximité, le transitoire et le durable, dans une houle panthéiste où la légendaire sagesse de l’Extrême-Orient rencontre les inquiétudes rationalistes de l’art occidental.
Et si les vénérables paysages Song nous interpellent frontalement, dans les parages qui nous occupent, les formes s’ouvrent et se multiplient, révélant des replis et des béances entraînant le déplacement du centre, pendant que la lumière, ordinairement déversée du ciel, provient de l’intérieur de la composition, s’évase ou se resserre, sous l’influx régulateur du pinceau.
Pourtant, il n’y a pas beaucoup d’écart entre les volets thématique et stylistique, pas plus, tel que le note Pierre Schneider, que « le geste du peintre occidental ne diverge pas fondamentalement de celui du peintre oriental », en ce que chacun célèbre à sa manière, l’arraisonnement de l’instant vécu au sommet de sa tension. »