Amos Gitaï.
« Coup d'État »
20.04.2017 – 02.06.2017
« Quand Rabin a été assassiné, le 4 novembre 1995, j’ai senti qu’une page de l’histoire israélienne moderne avait été tournée. J’ai toujours trouvé que cet endroit du monde était… comme un volcan. […] Il a une très grande force symbolique pour différentes raisons. D’abord c’est vraiment une collision entre une société occidentalisée et l’Orient. Ce petit territoire est aussi le lieu de naissance des trois religions monothéistes, le judaïsme, le christianisme et l’islam. […]
Dans ce contexte, le problème de l’artiste, du cinéaste, de l’écrivain, est de savoir que faire quand on vit près d’un volcan. Quelle forme artistique peut-on proposer ? […] Certains veulent que vous soyez très politiquement correct, ils refusent d’être contredits et cela vous contraint à une très grande rigueur, je dirais même à une dureté, pour ne pas accepter de vous soumettre à une position de compromis. […]
Nous avons décidé de faire ce projet sur l’assassinat de Rabin, comme une sorte de geste de mémoire, et avec l’espoir que, parfois, lorsqu’on ressuscite la mémoire, cela puisse entraîner des mouvements. Nous devons rester modestes : l’art n’est pas le moyen le plus efficace de changer la réalité. […] Mais parfois l’art agit à retardement car il conserve la mémoire que le pouvoir voudrait effacer, il appelle à l’obéissance et ne veut pas être dérangé, il ne veut pas de dissidence. Mais si les artistes restent fidèles à leur vérité intérieure, ils produisent un travail qui voyage dans le temps, qui n’a pas toujours un impact immédiat, qui agit parfois à retardement. J’espère que c’est ce que nous faisons avec cette présentation multiforme – film, expositions, pièce de théâtre – sur l’assassinat d’Yitzhak Rabin. […]
Cela parle aussi de la dégradation de la mémoire. Il y a un événement et puis les différentes étapes de la dégradation de cet événement. […] Notre propre interprétation n’est que partielle. Les visiteurs peuvent se faire leur propre interprétation et ils sont des interprètes légitimes, pas de simples consommateurs du travail de l’artiste ».
Amos Gitaï, juin 2016