Yue Minjun est principalement connu pour sa série des « visages rieurs ». Ces sourires sont censés nous rappeler la nécessité de chérir les vérités des enseignements bouddhistes dans tous les objectifs que nous nous fixons dans la vie, et même face au stress et à l’adversité, nous ne devons pas perdre le contrôle ou nous laisser aller à des sentiments négatifs. La série d’œuvres présentée dans notre espace est intitulée: « Manipulation ». 

Son titre chinois contient un mot intéressant : quli. En chinois, ce mot a de nombreuses nuances de sens, et « manipulation » n’est que l’une d’entre elles. Yue Minjun partage certainement ce type d’association à l’enfance car son choix du thème de quli, avec toutes ses implications, est présent comme un fil rouge dans l’ensemble de son œuvre. 

Les trois principaux sujets de la série « Manipulation » sont :
– Des images de peintures à l’huile traditionnelles chinoises et occidentales, souvent des œuvres classiques célèbres.
– Des photographies de l’actualité, notamment celles de la propagande « mise en scène » de la révolution culturelle et des images de magazines contemporains.
– Des photos de films (NdT : Celles-ci étaient souvent publiées dans des « livres films » populaires qui utilisaient le format de la bande dessinée pour raconter le scénario de nouveaux films). La « manipulation » implique un changement dans la chose manipulée.

Dans les tableaux de Yue Minjun, la « manipulation » implique d’abord de peindre une « pâle » copie de l’œuvre originale, puis, avant que la peinture ne soit sèche, de griffonner par-dessus l’image à grands coups de pinceaux circulaires. Après avoir été « manipulée » ou « gérée » de cette façon, la nouvelle œuvre est investie d’une sorte d’intra-distanciation des plans visuels : l’observateur est forcé de regarder entre et au-delà de l’enchevêtrement de coups de pinceaux griffonnés pour voir la « véritable » image originale qui se trouve en dessous.

Yue « nettoie » et « met en ordre » les souvenirs et les expériences de son passé. Et tous ces souvenirs et expériences n’appartiennent pas qu’à lui, mais à nous tous. L’époque et la société dans lesquelles nous sommes nés représentent des forces majeures auxquelles nous ne pouvons échapper : nous avons tous grandi à l’intérieur de leurs restrictions.

En établissant une relation particulière entre l’acte de manipulation et l’objet manipulé, Yue crée une situation dans laquelle deux images différentes sont emmêlées de façon inextricable et se cachent l’une l’autre, créant ainsi une nouvelle sorte de tension visuelle. D’un point de vue conceptuel, cette tension provient de la réaction et du défi lancé par Yue contre les règles habituelles concernant l’approche et les récits des œuvres d’art classiques et des images photographiées. 

En bouleversant et déconstruisant à la fois l’intention créatrice originale et le mode d’expression de ces images, Yue crée un nouveau récit ou peut-être un anti-récit.